[EXPERTS] DEMAIN, L’ENSEIGNANT SERA-T-IL TOUJOURS FACE À DES ÉTUDIANTS ?
Le numérique transforme la société dans son ensemble. Tous les secteurs d’activité opèrent des mutations qui concernent aussi bien les relations, les usages, et les technologies. L’éducation n’est pas restée à l’écart de cette transformation. Article rédigé le 14/9/2020
Le développement de MOOCs et la facilité d’accès à la connaissance ont déjà interrogé le rôle de l’enseignant, ce dernier n’étant plus seulement celui qui détient le savoir mais celui qui accompagne et qui donne du sens. La crise de la Covid-19 a nettement accéléré ce processus, allant jusqu’à interroger la présence même de l’enseignant dans la classe.
APRÈS DEUX MOIS DE CONFINEMENT…
Le confinement a conduit la grande majorité des enseignants à poursuivre leur enseignement à distance grâce à l’utilisation d’outils numériques. Il s’agissait alors d’assurer coûte que coûte la « continuité pédagogique ».
Dans l’enseignement supérieur, ce changement s’est souvent opéré dans l’urgence avec une sérieuse tendance à transposer son enseignement d’une heure en face à face par une heure devant un écran avec les mêmes supports et les mêmes contenus. La différence ? Certes, l’agitation de la classe disparaît, mais les regards ne se croisent plus, les interactions avec les étudiants et les collègues sont extrêmement limitées. L’écran réduit tous les échanges. Tout ce qui fait référence à la communication non verbale est effacé.
Les débats vont bon train autour des moyens d’interagir, de communiquer, de travailler en groupe, d’évaluer, le tout en ligne derrière son écran d’ordinateur. Et la tentation est forte de s’affranchir du face à face et de transformer ainsi l’enseignant en producteur de ressources numériques (vidéos, quiz…) et en « speaker. »
VERS LE TOUT VIRTUEL ?
La virtualisation est désormais en marche. Les vidéos traitant de tous les sujets deviennent accessibles et les questions posées par les responsables de formation concernent davantage l’agencement de ces ressources que l’animation de la classe. Le sujet important d’acquisition par les étudiants de compétences transversales semble laissé de côté. Les nouvelles orientations vont même plus loin. La virtualisation concerne désormais les travaux pratiques (les e-TP) alors même qu’ils étaient imposés dans les formations comme une nécessaire confrontation au “réel”.
Lorsque le gouverneur de New-York Andrew Cuomo dans le cadre d’un partenariat avec la fondation Bill Gates déclare début mai “Tous ces bâtiments, toutes ces salles de classe, à quoi ça sert avec toute la technologie qu’on a à notre disposition ?”, le pas est franchi. Ne peut-on pas finalement s’affranchir de la classe, et du face à face étudiant ?
ALORS, QUI SERA DEMAIN EN INTERACTION AVEC L’ÉTUDIANT ? L’ENSEIGNANT OU LA TECHNOLOGIE ?
Bien sûr, les technologies de l’éducation prendront une place de plus en plus importante mais il est urgent de questionner leur rôle et leur apport. C’est à l’enseignant de le faire, en tant qu’expert des apprentissages et de l’ingénierie pédagogique. C’est lui qui doit s’approprier cette transformation numérique et la mettre au service des apprentissages.
S’il ne le fait pas, le risque est grand de voir disparaître ces lieux d’interaction, de solidarité, d’émulation, de rencontres que sont les salles de classe.
La technologie est au service de l’éducation. Elle doit le rester !
Les auteurs sont : François Stephan, EPF, Directeur du campus de Montpellier et Pierre Stéphan enseignant-chercheur à l’INSPé de Toulouse.